L'actualité de demain : LES TEMPS SONT TROUBLES, par François Leclerc

Billet invité.

Mario Draghi a hier jugé prématuré de se prononcer sur la nécessité d’un nouveau plan d’aide pour la Grèce, car « le précédent court jusqu’à fin 2014 ». Mais il a sans plus tarder envisagé de renouveler les opérations de prêt à 3 ans aux banques (LTRO), alors qu’elles ne viennent à échéance de remboursement qu’en 2015… L’argument donné est que le marché pourrait alors réagir en augmentant les taux d’intérêt devant cette diminution des liquidités. Somme toute, le président de la Banque centrale ferait preuve de la même prudence que la Fed en suivant son exemple. Peut-être même prend-il les devant, considérant comme inévitable qu’elle commence à diminuer ses achats de titres, avec comme effet une hausse des taux américains affectant par ricochet l’Europe.

Les banquiers centraux affichent désormais la transparence, rompant avec l’ère Greenspan aux États-Unis (dont Jean-Claude Trichet avait fait son modèle), qui pouvait se permettre de jouer les Sphynx. Aujourd’hui, ils commentent leurs décisions, ce qui ne signifie pas qu’ils en donnent les bonnes raisons ! La BCE n’ignore pas que l’échéance de 2015 se dresse comme une falaise infranchissable pour de nombreuses banques européennes des plus mal en point, et que si le marché interbancaire donne de faibles signes de détente, ce sont les banques ayant plus de répondant qui en sont à l’origine. Peut-être même sera-t-il nécessaire de soulager les banques sans trop attendre. Mais, afin de sauver les apparences, Mario Draghi déclare : « nous sommes prêts à agir avec tout instrument, y compris un nouveau LTRO pour maintenir les taux du marché monétaire à un niveau correspondant à notre objectif d’inflation à moyen terme ». Les deux explications ne sont d’ailleurs pas incompatibles !

William Dudley, le président de la Fed de New York qui veille plus spécialement aux destinées de Wall Street, explique que « selon moi, l’économie a encore besoin du soutien d’une politique monétaire ultra-accommodante », pour ne pas entrer dans des considérations financières plus terre à terre et à pénétrer dans les arcanes d’un autre marché, celui du collatéral, de ses finesses et de ses tensions entre ses différents acteurs : la Fed, les banques, le shadow banking, les fonds monétaires, les banques en charge de la compensation (JP Morgan Chase et Bank of New York)… La vraie vie, quoi !

Les marchés mondiaux sont suspendus aux décisions du comité de politique monétaire de la Fed, dont les réunions se succèdent. Des soupçons de fuite ont même surgi, à la suite de transactions quasi-simultanées à leur annonce. A l’image de ses membres, qui ne manifestent pas une grande cohésion, les marchés ne savent plus comment anticiper et l’embellie boursière s’est en conséquence calmée ! Pour tout embrouiller, Ben Bernanke a abandonné le strict seuil déclencheur du taux chômage comme signal d’un changement de politique de la Fed pour des considérations plus générales qui n’accroissent pas la visibilité. Il est cependant vrai que le taux de chômage n’est plus considéré comme un indicateur crédible. Enfin, à l’incertitude sur la poursuite des achats de titres de la Fed s’ajoute celle résultant du plafonnement de la dette qui a nouveau se profile.

Les banques centrales restent à la tâche pour tenir le système financier le nez hors de l’eau. Stopper ou poursuivre l’injection de liquidités, et en conséquence restituer ou non au marché de ce collatéral devenu un des biens les plus précieux, quel dilemme ! Dans les eaux troubles, on n’y voit goutte.